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URBAN GUIDE

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mars 2023

Modigliani sur la Côte d’Azur

« L’artiste a peint ici son unique autoportrait adulte »

Après 5 ans de recherches et d’écriture, l’écrivain Alain Amiel publie un livre sur les séjours azuréens de Modigliani et identifie près de 70 toiles peintes entre Nice et Cagnes-sur-Mer.

Par Tanja Stojanov 
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Femme en robe jaune ou la belle espagnole (Mme Modot), 1918, huile sur toile, 92 x 60 cm, Collection particulière, Paris.
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Fillette en bleu, 1918, huile sur toile, 116 x 73 cm, Collection particulière.

Bien sûr, les biographies d’Amedeo Modigliani (1884-1920) évoquent sa venue dans le Midi, fuyant les bombardements allemands dans la capitale. « L’artiste était tuberculeux et son marchand Leopold Zborowski l’a décidé à venir sur la Côte d’Azur avec sa compagne Jeanne Hébuterne, dont il était très amoureux. Il fera ainsi plusieurs séjours à Nice et à Cagnes-sur-Mer entre mars 1918 et mai 1919 », explique Alain Amiel, critique d’art. Il poursuit  : « Modigliani est ensuite remonté à Paris où il est mort quelques mois plus tard, le 24 janvier 1920. Cette période azuréenne était très peu documentée et rares étaient les tableaux jusqu’ici identifiés comme ayant été peints dans la région. J’ai donc commencé mes recherches après avoir visité la maison natale de l’artiste à Livourne en Italie ».

 

En haut du vieux village de Cagnes

Dans ce travail de longue haleine, l’historien d’art a pu recueillir des informations précieuses, notamment dans la biographie écrite par Jeanne Modigliani – fille du peintre née à la maternité de l’hôpital Saint-Roch à Nice et portant le même prénom que sa mère – mais également dans le livre Modigliani et Zborowski écrit par Anna Zborowska, l’épouse du marchand d’art et amie de l’artiste. « Modigliani ne mentionnait pas sur ses œuvres la date et le lieu de réalisation, il a fallu comparer les informations que j’avais avec les toiles et leurs thèmes. Au total, ce sont ainsi près de soixante-dix toiles qu’il a peintes entre Nice et Cagnes-sur-Mer en treize mois », s’enthousiasme Alain Amiel. Parmi ces pièces, de magnifiques portraits d’amis et personnes rencontrées sur place comme le grand acteur de film muet Gaston Modot, le peintre Leopold Survage, mais aussi de sa bien-aimée Jeanne. On la voit tantôt de profil avec les cheveux attachés, tantôt de face dans une pose quasi-maniériste. À la disparition d’Amedeo, « Jeannette » se suicidera d’ailleurs deux jours plus tard, emportant avec elle dans son ventre leur deuxième enfant à naître.

 

Ils posent sur nous un regard absent

« Modigliani a étudié à Florence, Venise et Rome. Dans le Sud de la France, il a retrouvé un peu de l’atmosphère de son Italie natale qui lui manquait beaucoup à Paris. Il mangeait dans des restaurants italiens du Vieux-Nice. Alors que l’on était en pleine naissance de l’abstraction, lui continuait de réaliser ses portraits posés presque sans décor, avec à peine un bout de mur, un siège ou un meuble. Dans notre région, sa palette s’est allégée et éclairée », poursuit le critique d’art. Ses toiles à la ligne sinueuse sont d’une intense fluidité et d’une grande expressivité, avec cet allongement des corps et des cous caractéristiques de l’artiste. En témoignent les portraits réalisés dans les hauteurs de Cagnes-sur-Mer : Le Fils du Concierge, la Fillette en bleu ou le Jeune homme en blouse bleue et ses yeux absents. Cette galerie de portraits donne à voir des enfants et adolescents du village. À Cagnes, l’artiste peindra aussi quatre paysages, les seuls que l’on connaisse de lui en dehors d’une vue des environs de Livourne. Dans son Autoportrait en 1919, il se représente le visage émacié, les joues creusées et une palette à la main. « C’est le seul autoportrait qu’il ait réalisé à l’exception de celui en Pierrot, peint à Paris en 1915 », conclut Alain Amiel. Dans son livre, le critique d’art pose ainsi un travail de recherche essentiel pour l’histoire de l’art et celle de notre région, qui espérons-le fera un jour l’objet d’une exposition. 

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