Thierry Frémaux

 

 

 
 

 

Le Festival de Cannes célèbre sa 70e édition et son délégué général sa 10e Sélection officielle.En guise de « bilan »,Thierry Frémaux a opté pour l’exercice – très réussi – du journal intime. Extraits.

 

Il y a les grincheux, les donneurs de leçons, qui pensent que le journal de bord qu’a tenu le délégué général du Festival de Cannes de fin mai 2015 à fin mai 2016* ne contient pas de règlements de compte ni de révélations croustillantes (assassines ?). À ceux-là, nous pourrions rétorquer que ce n’était peut-être pas le but recherché… Ménager les susceptibilités ou pratiquer la diplomatie intelligente n’est pas superflu quand on est (toujours) au poste de pilotage du plus important festival du monde – Thierry Frémaux a envisagé un temps de rejoindre le navire Pathé fin 2015… Depuis dix ans, la planète cinéma est suspendue à ses décisions de sélectionneur, qui n’a de ce fait aucun intérêt à torpiller un métier que le directeur de l’Institut Lumière à Lyon (depuis 1995) vit comme un sacerdoce. « J’ai voulu dire comment ça se passe, écrire sur une communauté professionnelle, différente et semblable à tant d’autres, qui fait preuve de cohésion, d’indiscipline, de conviction et de talent. Et j’ai voulu être fidèle à ces paroles de Roberto Rossellini : “Je ne suis pas là pour prendre ou pour juger, je suis là pour donner.” » Son Journal navigue entre le professionnel et l’intime. Thierry Frémaux y défend l’idée d’une « cinéphilie heureuse » et le travail collégial de ses équipes lyonnaise et cannoise. Sa passion est communicative. Extraits.

 

RACINES « Je suis né en 1960, l’année de À bout de souffle, à Tullins-Fures dans le département de l’Isère, dont je ne me suis jamais éloigné. J’ai grandi aux Minguettes, à Vénissieux, où j’ai vécu trente ans. J’habite à Lyon, où je reviens toujours et où j’ai trouvé mon premier emploi, à l’Institut Lumière, que je n’ai jamais quitté non plus. Je ne quitte jamais les endroits d’où je viens et je m’attache partout où je vais, ce qui me pose un problème, parfois, dans la vie. Et Cannes est devenu ma vie. » 1 800 MÈTRES « Du haut du palais, la Croisette scintillait comme un serpent de diamants, foisonnant de piétons et de voitures agglutinées à cinq à l’heure sur le kilomètre le plus glorieux de la cinématographie planétaire : 1 800 mètres exactement, du Majestic au Martinez. »

 

PRODIGUE « Je suis à Paris, je suis sur la Croisette, je suis rue du Premier-Film : animer une équipe, présenter des films, accueillir les spectateurs, entretenir une histoire permanente du cinéma…Un jour, Bernard Chardère m’a dit que j’étais fait pour ça. Comme disait Cendrars : “je suis né prodigue” ».

 

LA « CROISETTE ATTAQUE » « Je ne suis pas tout seul, Cannes c’est un président (Pierre Lescure désormais), une équipe de base de 25 salariés et une formation de combat de 1 500 personnes en mode “la Croisette attaque”. »

 

SÉLECTION « On me demande souvent comment nos choix s’opèrent. Eh bien, comme le ferait n’importe quel amateur : in fine, c’est au sentiment, à l’intuition, à la passion, à quelques instruments de mesure de l’opinion, si tant est qu’on puisse en prévoir l’humeur. On nous prête mille turpitudes, des amitiés non avouées et des pactes secrets. Or, nous n’avons qu’un seul objectif : faire la meilleure sélection possible. »

 

ÉTINCELLE « L’opinion-Croisette, c’est cette capacité qu’a le Festival à créer en une seule projection l’étincelle qui mettra le feu à la plaine mondiale du cinéma, à inventer d’un coup de tonnerre et en un même élan critique un futur radieux pour un débutant, en des gestes multipliés et relayés à l’infini par la presse internationale pour permettre que des papiers pleins de louanges, de commentaires passionnés et de longs applaudissements résonnent partout dans le monde… »

 

A POSTERIORI « Quand vient l’heure du bilan, chacun reconstruit la compétition a posteriori – il est aisé de faire une sélection idéale en fonction d’un accueil connu entre-temps. »

LISTE « Les films qu’on a aimés peuvent nous appar­tenir, au point qu’on a même le droit de leur être infidèle. Car à tout académisme et catéchisme officiels, qui sont le drame de la cinéphilie française, il faut préférer l’idée d’un “petit cinéma sentimental” dont parlait l’historien et écrivain Nino Frank. Une liste de vos films favoris raconte toujours un moment de votre vie. On ne devrait jamais cesser d’en faire, de les relire et de les reprendre. »

 

PARTAGE « Être tous ensemble dans une salle de cinéma pour y partager la vie, la joie, les larmes et l’émotion du monde… Toujours la même chose
depuis l’invention des frères Lumière. »

 

FIN « Quand je mourrai, je ne verrai pas défiler ma vie, mais les salles et les films qui en auront fait la valeur. »

 

Par Mireille Sartore

 

* Sélection Officielle chez Grasset, 626 p., 23,40 €, paru en janvier 2017

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