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Le plasticien, ici au côté de son Wild Kong, aime exprimer sa sensibilité à travers d’autres disciplines artistiques, comme la musique, le théâtre, le cinéma… et aujourd’hui l’horlogerie |
Il est l’artiste contemporain français le plus vendu au monde. Après avoir publié sa biographie*, Orlinski ouvre sa 2e galerie dédiée à Saint-Tropez. Rencontre.
À 36 ans, vous avez tout abandonné pour devenir artiste. Pourquoi à ce moment-là ?
Parce que je suis long à la détente, j’avance comme un escargot [rires]. Je rêvais de devenir artiste étant jeune, mais c’est quelque chose d’un peu utopique et réservé à peu d’élus. À l’époque, j’étais très pragmatique. Il fallait organiser ma vie, veiller à subvenir aux besoins de ma famille. J’ai exercé le métier d’architecte d’intérieur et de designer. Mais j’avais le sentiment de porter un costume qui ne m’allait pas, même si d’autres voyaient en moi la réussite à la française. Face à ce mal-être, je n’avais plus le choix, c’était l’art. Nous étions en 2002, il fallait sauter le pas, avancer sans paravent et m’exposer aux critiques.
Quel accueil avez-vous reçu dans le monde de l’art au départ ?
Je suis très perfectionniste, alors il m’a fallu presque deux ans pour créer le crocodile en résine rouge que je voulais exactement. Au début, on m’a présenté à un galeriste, qui a trouvé la sculpture sympa. J’avais une œuvre mais pas un nom connu, donc il m’a proposé de la faire signer par un autre artiste. J’ai réfléchi trois minutes et suis parti, vexé. J’arrivais de nulle part et j’ai compris que je n’étais pas attendu. Il y avait une forme de snobisme parisien, ce qui n’a pas beaucoup changé du reste, c’est un petit monde très fermé. À côté de l’argent, il y a ici en plus des enjeux d’ego. Je n’avais pas suivi le cursus classique en école d’art et je n’étais coopté par personne. Alors j’ai élaboré une stratégie de développement qui m’a souri.
Vous revendiquez le droit à un « art populaire », qu’entendez-vous par là ?
Que l’art est surtout une émotion que l’on transmet ! Il y a chez un ami à moi l’un de mes ours. Ses fils en ont fait le 3e frère de la famille et lui ont même donné un nom [rires]. Mes enfants sont mes premiers fans et je pense qu’on est tous de grands enfants. Comment peut-on dire c’est un vrai ou un faux artiste ? Un tableau blanc, on vous dit que c’est de l’art. Une fourchette avec un citron en décomposition, ça aussi. Moi, je revendique le côté mainstream, je veux que l’art reste proche et accessible. Je fais donc des expositions gratuites à ciel ouvert dans les stations de ski, les villes, les centres commerciaux. J’ai des œuvres sur les plateaux de télé, les réseaux sociaux… Le Mickey Fantasia que j’ai réinterprété est vendu 49 euros chez Disney. J’ai fait la même chose pour Pac-Man, Bandaï…
Vous avez développé le « Born wild® » dans vos sculptures, vous sentez-vous révolté ?
Nous sommes nés sauvages. Dans la nature, les animaux tuent pour se nourrir, ils répondent à un cycle de vie. Quand on voit les guerres, le terrorisme, la violence envers les femmes, on aurait des leçons à prendre des animaux… Alors oui, je suis parfois indigné. Je m’investis beaucoup dans le caritatif pour les enfants malades, battus, orphelins… Mes animaux ont donc toujours la gueule ouverte, comme pour crier quelque chose. Après, chacun peut laisser libre cours à son interprétation, je n’impose rien à l’autre. J’aime la liberté dans le partage.
Vous avez inauguré une galerie Orlinski le mois dernier à Saint-Tropez. Quel est le concept ?
Je suis aujourd’hui représenté par 90 galeries dans le monde, mais j’ai toujours une grande frustration car je ne peux y exposer que des parties de mon travail. Je ne suis pas du genre à créer une œuvre puis à surfer dessus pendant des années, j’ai une créativité débordante. J’essaye de développer le 3.0, de m’adapter aux changements. J’ai la chance d’être entouré d’artisans très compétents, car la sculpture demande beaucoup d’intervenants. Je travaille la résine, l’aluminium, le marbre. Il y a les moules, la coloration… J’ai donc des ateliers aux quatre coins de la France, répartis par type d’activité, comme à la Gaude ou en région parisienne, à Saint-Denis. Je voulais un lieu où je puisse montrer ma démarche dans son ensemble. Après l’inauguration de la première Galerie Orlinski cet hiver à Paris, nous avons eu envie de développer le concept dans d’autres villes, comme Saint-Tropez. C’est aussi le cas à Singapour.
Vous avez même des actualités côté horlogerie, côté théâtre…
Je suis un vrai passionné de montres, alors l’idée de collaborer avec la maison Hublot m’a tout de suite plu. On m’a donné carte blanche pour créer la Classic Fusion Aerofusion Chronograph Orlinski. Je suis un des seuls à avoir touché au boîtier, ce n’est pas que de la customisation. Étant collectionneur, je savais ce que je voulais. C’est aussi une façon de porter l’art vers un autre public. Pour la rentrée 2019, je prépare également un one-man-show écrit et mis en scène par Laurent Baffie sur le thème de l’histoire de l’art, racontée avec humour. Je souhaite que le public apprenne des choses et reparte à la fin avec un grand sourire.
Galeries Orlinski Saint-Tropez,
70 rue du Général Allard
Singapour, Mall Marina Bay Sands
Paris, 68 rue du Faubourg Saint-Honoré, 8e
Par Tanja Stojanov