Photographie Jean-Michel Sordello
Responsable du département d’informatique et d’informations médicales du CHU de Nice depuis 2001, il nous parle des consultations à distance, un sujet au cœur de l’actualité.
« Il y a 20 ans, c’était encore la préhistoire d’Internet, s’amuse Pascal Staccini, spécialisé dans le recueil des données de santé. Mais la crise sanitaire du Covid-19 a conduit à une nouvelle prise de conscience, avec le développement du télétravail et des téléconsultations. » En 2000, ce professeur des universités faisait déjà partie des pionniers du télé-enseignement dans l’hexagone, en participant au premier cours filmé de l’Université de Nice Sophia-Antipolis dans le cadre d’un appel d’offres national en faveur des campus numériques. « À l’époque, certains avaient peur que le fichier soit trop lourd, se souvient Pascal Staccini, mais c’était sans compter sur les progrès techniques qui ont suivi ! ». Si l’OMS avait déjà reconnu que la télémédecine faisait bien partie du champ médical, il a pourtant fallu attendre 2018 pour qu’elle entre dans le droit commun en France. Et actuellement, le mouvement s’accélère. « Pendant le confinement, les médecins se sont vu proposer des téléconsultations, avec prise de rendez-vous par le patient en ligne via Doctolib, validée ensuite en cabinet. Il y a enfin eu une démystification de la visioconférence appliquée au champ de la consultation médicale », se félicite le Pr Staccini.
Du suivi postopératoire à la télépsychiatrie
« Il doit y avoir une première consultation en réel, mais ensuite, la téléconsultation peut être très efficace. Les chirurgiens peuvent ainsi assurer le suivi postopératoire de leurs patients, mener des interrogatoires et leur donner des instructions à distance pour prendre des mesures. On voit aujourd’hui le développement de stéthoscopes électriques, que le patient peut mettre lui-même, avec une multitude de capteurs mesurant ses constantes. C’est plus qu’une montre électronique connectée ! », s’enthousiasme Pascal Staccini. Alors bien sûr, la télémédecine soulève des enjeux juridiques et éthiques, elle a aussi à s’améliorer au fil de l’usage : « De cette expérience récente, nous avons tiré deux enseignements : d’abord que nous n’étions qu’au début ; ensuite, qu’il faudra numériser les ordonnances plutôt que d’être encore sur une version papier, et pouvoir les envoyer au patient sur une adresse mail sécurisée pour assurer la protection de ses données personnelles ».
Aujourd’hui, elle s’impose aussi comme un moyen pour lutter contre les déserts médicaux, du fait d’un accès aux soins dans les petites communes de plus en plus difficile et inégal. On pense ici à Philippe Stab, qui a été le premier étudiant en médecine à soutenir sa thèse en visioconférence dès 2001. Ce jeune généraliste, qui s’était trouvé à Tende dans la vallée de la Roya, avait alors imaginé des consultations en télépsychiatrie ; une expérience à laquelle s’était prêté le psychiatre niçois Michel Lambotin. L’enjeu est donc également de former les médecins, professions paramédicales et cadres de santé à ces usages. Et le Pr Staccini d’ajouter : « Dans la Master d’ingénierie pour les systèmes de santé que je coordonne, nous avons un enseignement sur la télémédecine ». Un élargissement du champ des possibles, une manière de soigner complémentaire, alliant présence humaine et soutien numérique.
Par Eve Chatelet
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