Chef du pôle infectiologie du CHU de Nice, il a été au chevet des patients pendant la pandémie dès 2020 et participe depuis lors à l’information médicale sur les Covid-longs dans la région.
« J’ai été confronté au cours de ma carrière à des événements particulièrement marquants. Lorsque j’ai débuté en tant qu’infectiologue, nous recevions les premières personnes souffrant du Sida. Entre 1988 et 1996, le nombre de patients pris en charge au sein des maladies infectieuses a littéralement explosé. C’était une époque où il y avait peu de traitements, et j’ai contribué au niveau local à la mise en place de l’essai européen Concorde sur l’AZT, premier médicament antirétroviral utilisé contre l’infection par le VIH », témoigne Michel Carles. Grâce à son orientation en anesthésie-réanimation, il a œuvré à l’amélioration de la prise en charge de la douleur et à la prévention des infections, tout en complétant son cursus par une thèse, sur le syndrome de détresse respiratoire d’origine infectieuse ou non, menée dans un laboratoire de recherches à San Francisco aux Etats-Unis. Après avoir géré avec le Pr Levraut les attentats de Nice au niveau des urgences et du déchocage de Pasteur 2, c’est finalement à Pointe-à-Pitre que ce professeur a eu à gérer la première vague de la crise de Covid-19, en tant que responsable de l’organisation des soins critiques pour la Guadeloupe. « Je suis ensuite rentré dans l’Hexagone, comme infectiologue et il a fallu coordonner les hospitalisations des services publics et privés pendant de nombreux mois », explique Michel Carles, co-auteur de publications sur la Covid. Intervenu souvent dans les médias pour informer les populations, ce médecin est aussi devenu le référent Covid-long en Provence Alpes Côte d’Azur, maladie émergente encore mal connue. Pour lui, la gestion de la crise nous invite à changer de relations entre autorités sanitaires et citoyens.
Entre 5-10 % de Covid longs
« Les autorités sanitaires doivent mettre en place une communication moins verticale et privilégier un maximum l’information des populations afin de les responsabiliser plutôt que d’utiliser la contrainte. Pour les patients qui ont été infectés, indépendamment de la gravité, on a constaté que plus de 50 % des personnes manifestaient encore au moins une séquelle au-delà de six mois après le début de la maladie, ce qui illustre bien ses conséquences et le rôle préventif important de la vaccination », ajoute Michel Carles. Si les cas de Covid-longs se concentrent aujourd’hui dans les services spécialisés, l’enjeu est aussi de transférer les connaissances de l’hôpital vers les médecins de ville, afin qu’ils puissent mieux identifier les prises en charge disponibles pour optimiser le parcours de soins. « Aucune maladie infectieuse n’a permis en aussi peu de temps de produire autant de données médicales. Pour les Covid-longs, on est face à une grande hétérogénéité de manifestations cliniques, avec des atteintes fonctionnelles musculaires et fatigues, des troubles neurocognitifs et plus », ajoute le médecin. Sensibiliser les professionnels de santé contribue ainsi à éviter l’errance médicale des patients, le recours à des traitements non adaptés et bien sûr à des hospitalisations non nécessaires. Et de conclure : « L’enjeu pour le futur est dans la préparation aux nouvelles émergences infectieuses que les bouleversements du monde, les migrations et le climat, rendent inévitables ».