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Voir la mer détail, image prise au Castel de Rivoli Turin – ADAGP Paris Courtesy Galerie Perrotin/© Renato Ghiazza |
Trois femmes, trois parcours singuliers, trois artistes qui tissent des liens entre le texte, la musique et les images. Deux cités les accueillent en ambassadrices de l’Art aujourd’hui.
Sophie Calle à Marseille – Confession d’une enfant du siècle
Au Musée des Beaux-Arts, c’est frontalement qu’elle nous interpelle. Dans la collection permanente, des petits formats sont disséminés recouverts d’un voile gris opaque, un texte y est brodé. Soulevez ce voile et vous découvrirez une œuvre associée qui vous fera briller l’œil et sourire… farces et attrapes, phrases et attrapes. Dans la chapelle de la Vieille Charité, requiem et concerto pour une mère. Plus qu’émouvante ! Par une vidéo, Sophie nous révèle en boucle les derniers instants de sa maman, elle ritualise et perpétue ainsi son deuil dans un espace qui fut un lieu de culte, cette scénographie mortuaire trouve ici pleinement son sens. Au Musée Grobet-Labadié, du Dadaïsme au Facebook in situ XXL, c’est à un jeu de piste que nous sommes conviés, des récits autobiographiques annotent les objets personnels que l’artiste y a disséminés. Cette demeure de grands bourgeois s’en trouve réinvestie d’une présence savoureusement intime. Le Château Borely et le Musée d’Histoire Naturelle sont habités d’autre manière par cette inclassable mais incontournable auteure et plasticienne. Elle assure à sa façon la transition entre nos deux siècles.
Fabienne Verdier à Aix-en-Provence – Peindre la respiration du monde.
Elle nous donne à voir au Musée Granet et au Pavillon Vendôme la pure essence du geste dans des calligraphies parfois géantes conservées aujourd’hui au sein de prestigieuses collections aux quatre coins de la planète. Mais elle relève également cette année un nouveau défi, en mariant, dans leur essence, l’énergie créatrice du peintre à celle du musicien. Ces travaux furent commencés à la Juilliard School de New York et poursuivies à Aix en participation avec l’Académie du Festival d’art Lyrique, Bernard Foccroulle et William Christie. Le public sera invité à une immersion multisensorielle lors de la projection d’un film issu de ce laboratoire de recherche. Rimbaud le voyant en eût rêvé, sans doute Cézanne aussi. Fabienne n’est-elle pas allée, en atelier nomade, dans les pas du Maître – ultime expérience sur le motif – réveiller les démons telluriques de cette Sainte Victoire une fois de plus immortalisée ? Ces œuvres auxquelles le vent et les éléments ont collaboré feront l’objet d’un aparté, dans une des salles du musée.
*A lire, « La passagère du silence «, autobiographie de Fabienne Verdier.
Véronique Bigo – Jeu de piste
Après avoir initié à Marseille un itinéraire muséal innovant, Véronique Bigo poursuit dans la Cité du Roy René son dialogue avec les œuvres et les chefs-d’œuvre de nos grandes collections. Enseignante à l’école d’architecture de Paris-La Villette, cette Marseillaise d’adoption y a mené de front, dans la grande tradition, pédagogie et création. Artiste au féminin, elle excelle dans le relevé et la saisie des codes qu’elle exalte en formes et couleurs par des annotations, hors cadre, éloquentes, lumineuses. En effet, en rendant leur liberté à tel ou tel détail du tableau, elle les requalifie dans notre actualité, permet qu’on se les réapproprie en nous faisant partager son regard. Comme toute vraie peinture c’est bien là une leçon qui nous apprend à regarder, à voir. Ces fragments revivifiés des classiques en assurent la transmission et la pérennité, s’affirmant eux-mêmes en ellipses comme autant d’œuvres d’art.
Par Gérard Martin