Portrait, années 80, 180 x 120 cm.
Sa peinture est comme une biographie, tout en mouvement et en couleurs. Un témoignage intime, social et engagé, de celle qui fut la première femme à la tête de mines en Afrique du Sud.
Elle aurait pu être l’héroïne d’un roman, tant son chemin est singulier, tant son parcours individuel croise d’enjeux contemporains. Une vie retracée aujourd’hui dans un livre, Franka, Mrs Gold, signé par Hélène Fincker. Celle d’une femme partie de rien, devenue l’une des dix plus grandes fortunes d’Afrique du Sud, et qui, portée par sa passion pour la peinture, a fini par s’y consacrer entièrement sur la Côte d’Azur où elle vit désormais. Au commencement de l’histoire, il y a cette petite fille née en 1942 dans le Tyrol italien, qui aimait dessiner des portraits. Elle, aurait très bien pu miser sur sa beauté, sauf qu’elle avait déjà compris que les roses sont éphémères. « Venue dans le Sud sur invitation d’un ami, elle est élue Miss Festival du Film. C’est là qu’elle rencontre Picasso, qui fait même son portrait », explique Hélène Fincker. Mais le destin de Franka est ailleurs. La jeune femme part s’installer au Danemark avec celui qu’elle vient d’épouser, Steen Severin, et prend quelques cours d’art à Copenhague. C’est alors qu’en 1979, elle débute l’un des grands chapitres de sa vie : celui de l’Afrique du Sud et de la Namibie, où elle ouvrira les portes une à une à force de ténacité.
Une femme d’affaires autodidacte
« Franka va obtenir des Charbonnages de France d’importer du charbon au Danemark. C’est le début de l’aventure et elle décide rapidement de se passer d’intermédiaire. En quelques années, elle va alors acheter une vingtaine de mines de charbon, d’or, de platinium, de diamant », poursuit Hélène Fincker. Personnalité de caractère, Franka œuvre aussi pour l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique du Sud. En plein Apartheid, elle participe à la création de la première fondation non raciale du pays, la Johannesburg Art Foundation, où elle côtoie les plus grands artistes parmi lesquels Bill Ainslie. De même, elle ouvre aussi l’Amakhono Art Center, près du célèbre quartier de Soweto de Nelson Mandela, dont elle soutiendra plus tard l’élection en tant que Président.
Une peinture abstraite de dialogue
En 1992, c’est un nouveau départ : Franka décide de faire de sa passion de toujours son unique activité. Installée à Monaco, elle a aujourd’hui son atelier à Beausoleil, empli de cartons d’esquisses et de toiles immenses. Des œuvres qui parlent de l’Afrique du Sud, où elle a développé un goût prononcé pour les couleurs, mais aussi des traits puissants et précis. En plus de cette palette, l’artiste a aussi employé tout un tas d’objets trouvés sur place, de pierres et de bois. Marqué par une grande diversité, son travail conduit de paysages grandioses à des portraits psychologiques, illustrant le quotidien des mineurs qu’elle côtoyait, mais aussi la lutte des noirs. Hors catégories tant professionnellement que dans son art, Franka Severin donne ainsi à voir à travers son œuvre son expérience de vie et pointe les travers de la société. Elle ouvre un dialogue intime avec son époque.
Par Tanja Stojanov