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URBAN GUIDE

À l’affût de bonnes idées et adresses ? Expositions, festivals, concerts, boutiques, collections capsules, restaurants, bars… Toutes les dernières actualités et ouvertures de la Côte d’Azur sont présentées dans notre rubrique Urban Guide. De quoi découvrir toute la richesse et la diversité du maillage culturel, shopping et gastronomique à tester sans attendre de Saint-Tropez à Monaco. Les créateurs locaux ont également la parole dans ces pages.

décembre 2022

Art urbain


Nouveaux murs, nouveaux visages


Il y a Anthony Alberti à Monaco, César Malfi à Nice, Jérémy Besset à Mouans-Sartoux. La planète street compte ses figures locales, portée par des locomotives comme Antibes et son festival.

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La fresque flashy d'Hektor à Antibes.
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Brian Caddy reconnaissable à ses formes colorées détourées de noir.
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Jérémy Besset, fondateur du festival de la Craie, ici à l'ouvrage.
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Pantonio, invité de Coul'Heures d'Automne.

Bien sûr, il y a eu les pionniers. L’artiste plasticien niçois Ernest Pignon-Ernest, qui la veille de la célébration du jumelage de la Ville de Nice avec Le Cap en 1974 – capitale économique d’Afrique du Sud alors encore en plein apartheid – avait placardé le long du parcours officiel à des centaines d’exemplaires le dessin d’une famille de personnes noires derrière des fils barbelés. Considéré comme l’un des fondateurs de l’art urbain français - ses premières interventions au pochoir datent de 1966 – il a ouvert la voie à toute une génération et continue de faire référence auprès des jeunes. Si c’est dans les urbex, à savoir des bâtiments publics et propriétés privées abandonnés, que le street-art s’est développé le plus abondamment – avec des écritures comme les tags et graffitis mais donc aussi des pochoirs, sérigraphies et grandes fresques peintes – ce n’est que récemment que des surfaces légales ont été consacrées sur la Côte d’Azur, la ville de Cagnes-Sur-Mer ayant inauguré un premier mur d’expression libre en 2010. Après des années de chasse aux tags dans une optique de ville propre, Nice s’ouvre également petit à petit à l’art urbain avec un mur autorisé à Las Planas dès 2020, puis le long de l'avenue du XVe Corps depuis 2021. Au rang des événements, il y avait déjà l’Urban Painting Around the World de Monaco, une manifestation lancée en 2017 par Alberto Colman après avoir vu une performance d’Anthony Alberti, alias Mr OneTeas, et au cours de laquelle des artistes internationaux produisent des œuvres en live revendues au profit de la Fondation Prince Albert II. Pour autant, certaines communes ont été plus loin, en faisant de l’art urbain un argument touristique fort avec un festival dédié et des œuvres permanentes, comme Antibes Juan-les-Pins.

 

Bientôt une cinquantaine de murs

A l’origine de l’aventure antiboise, il y a Sébastien Hamard, fondateur de Label Note. Créatrice du festival de musique Les Nuits Carrées, l’association a lancé un tiers-lieu fédérateur sur le territoire en matière de musique et d’art urbain : la sChOOL. L’endroit est devenu le cœur battant du festival Coul’Heures D’Automne, qui essaime désormais sur tout le territoire d’Antibes Juan-les-Pins avec le soutien du maire Jean Leonetti. L’idée ? Avoir un rôle social dans l’espace urbain, sortir d’un art élitiste enfermé dans les musées et faire surgir des œuvres populaires au coin de la rue, sachant qu’à la faveur de la manifestation et son effervescence, ce sont une cinquantaine d’œuvres permanentes qui ont essaimé dans la commune. Chili, Italie, Espagne, Moldavie… l’édition 2022 était à nouveau internationale et donnait un aperçu de la diversité de l’art urbain, avec des créateurs comme Pantonio, parlant avec le bleu du rapport à la nature, Alberto Ruce, représentant la vie sauvage tout en transparence, Hektor et ses portraits pop ultra-flashy, ou des figures locales habituées de l’événement comme la graveuse Olivia Paroldi ou Jérémy Besset, fondateur du festival de la Craie qui se tient à Mouans-Sartoux en novembre. « L’idée de la craie m’est venue entre deux expos pour remercier les habitants, témoigne ce Cannois né en 1984. C’est un travail éphémère qui permet aux enfants et adultes de s’exprimer sur un morceau d’espace urbain, et nous le développons à l’international dans une vingtaine de villes en 2023. Grâce à des artistes emblématiques comme Banksy et aux photos sur les réseaux sociaux, les gens se déplacent, des budgets sont désormais débloqués dans les villes et les artistes se mettent à vivre de leur art ». Après avoir contribué à un projet sur les murs du domaine Charlot avant sa transformation en centre socio-culturel, à la demande de la commune de Beausoleil, c’est aujourd’hui le maire de Grasse qui l’invite pour un autre projet éphémère avant réhabilitation.

 

Un vecteur pédagogique de transmission

Il faut dire qu’à Nice aussi, avec l’appui de l’adjoint à la culture Robert Roux, la dynamique a été lancée lorsque les créateurs ont été sollicités pour investir les palissades du chantier du tramway comme support artistique, en plus des œuvres d’art permanentes acquises pour jalonner le trajet. Une impulsion qui s’est prolongée avec l’invitation de Speedy Graphito, autre pionnier de l’art urbain en France, à créer une grande galerie dédiée à cette pratique sur les murs du 109. « L’homme de Neandertal ornait ses murs et c’était sa rue à lui, poursuit César Malfi, qui vient de terminer une façade d’immeuble de six étages sur 120 m2 aux Moulins en mobilisant les jeunes du quartier suite à un appel à projet de la Ville de Nice. Une signature à retrouver à l’Université de Saint-Jean d’Angély, avec une fresque inspirée des aventures d’Amour et Psyché sculptées par Canova, mais aussi au Centre d’accueil de jour des sans-abri niçois. Il poursuit : « Je me suis inspiré de la jeune fille à la perle, sachant que Vermeer a peint sa servante, ce qui n’était pas d’usage à l’époque. C’est pour moi un appel à regarder ceux qu’on invisibilise ». Reconnaissable à ses fresques aux formes colorées détourées de noir, dans l’esprit du graffiti Old School, Brian Caddy fait partie de cet univers street azuréen et l’on rencontre entre autres sa touche à l’entrée du Parking Mozart à Nice : « Je travaille aussi beaucoup en ce moment dans les cours d’école, comme à l’Ecole élémentaire Sainte-Pétronille à Saint-Laurent du Var. C’est une façon d’initier les enfants à l’art urbain et je leur parle de la culture hip-hop. » Mis en avant pour valoriser les lieux de la Côte d’Azur d’un point de vue touristique, l’art urbain est ainsi de plus en plus sollicité en tant que vecteur de transmission, que ce soit à l’égard des plus jeunes et du grand public.

Par Tanja Stojanov

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