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URBAN GUIDE

À l’affût de bonnes idées et adresses ? Expositions, festivals, concerts, boutiques, collections capsules, restaurants, bars… Toutes les dernières actualités et ouvertures de la Côte d’Azur sont présentées dans notre rubrique Urban Guide. De quoi découvrir toute la richesse et la diversité du maillage culturel, shopping et gastronomique à tester sans attendre de Saint-Tropez à Monaco. Les créateurs locaux ont également la parole dans ces pages.

août 2022

Christian Louboutin

« J'aime prolonger la silhouette des femmes »

Célèbre pour ses talons à semelles rouges, il est autant porté par les stars de la pop que du grand écran. Dans son expo à Monaco, il dévoile en partie ses inspirations. Rencontre.

Par Tanja Stojanov
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Le créateur est devenu célèbre avec ses souliers à la semelle rouge.
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Les mannequins fétichistes de Louboutin ont été façonnés par Whitaker Malem.
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Soulier Maquereau et Tobago d’Hazoumé Romuald. © Jean-Vincent Simonet

Votre exposition s’appelle « Christian Louboutin : L’Exhibition[niste] », outre le jeu de mots francais-anglais autour de l’idée d’exposition, vous sentez-vous exhibitionniste ?
Ce titre est venu lors du premier volet de cette exposition au Palais de la Porte dorée à Paris en 2020, un lieu auquel je suis très attaché personnellement car il me renvoie à mon enfance et que j’y ai découvert toutes ces collections d’art extra-occidentales. Lorsque l’idée de faire cette exposition est devenue plus concrète, le fait d’envisager que j’allais m’exposer, me montrer un peu à nu, prendre conscience que j’allais m’exhiber n’était pas chose évidente car je suis plutôt assez timide et discret.

L’exposition est structurée en différentes sections, dont une dédiée au fétichisme réalisée avec David Lynch…
Oui, chacun des thèmes de l’exposition donne un éclairage sur un aspect de mon travail. Personnellement je ne me sens pas fétichiste, et on confond d’ailleurs souvent fétichisme et bondage. Certains ont collé sur moi cette image, je me souviens de Newton qui voulait tout le temps me donner des adresses de dominatrices (rires), alors qu’en définitive chacun y projette des choses assez personnelles. Si on réfléchit par contre à ce qu’est un fétiche, un objet de désir qui vous rappelle quelqu’un, on s’aperçoit que la littérature en est semée et l’on repense à la madeleine de Proust. Dessiner un soulier est pour moi en tout cas un plaisir et pour cette collaboration, j’ai demandé à David s’il serait d’accord de prendre en photo des modèles qui n’étaient pas faits pour être portés et il a accepté. Il y a ainsi la ballerine avec un voile qui permet d’observer le dessous du pied, le soulier menotte qui renvoie au fétichisme jaloux, ou encore le talon exagérément long qui exacerbe la cambrure.

Au tout début du parcours, une scénographie plutôt féerique donne à voir vos premiers modèles. Comment avez-vous pensé à utiliser du poisson ou des matériaux de récup ?
En fait j’étais fasciné étant plus jeune par l’Aquarium du Palais de la Porte Dorée. J’aime l’iridescence et les motifs de la peau des poissons, d’où mon coup de cœur pour le Musée océanographique de Monaco, mais je ne peux pas les manger. Alors je me suis dit que j’allais faire des souliers de poisson et que cela allait peut-être me guérir de mes allergies. J›ai utilisé du maquereau, du saumon, mais pour la sardine en revanche ça n›a pas marché (rires). Pour ce qui est ensuite de l›upcycling, j›avais eu une conversation avec une personne qui faisait tout un numéro sur l›écologie et je lui disais que la mode, ce n›était pas du tout écologique et que plutôt que de recycler il ne fallait pas produire dans ce cas. Du coup ce qui m'a semblé le plus honnête et logique, c›est de me servir de matériaux déjà existants pour faire des talons, de montrer les intérieurs, les marques de finitions. J›ai été élevé dans cet état d›esprit et on m›a éduqué en me disant qu›il fallait couper l›eau quand on se brossait les dents.

Parmi les sections les plus réussies, il y a celle dédiée aux modèles nude. Comment se sont construites ces collections ?
C’est l’idée du Nude with shoes, comme un prolongement de la silhouette. Quand on regarde l’Olympia de Manet, on s’aperçoit que ce n’est pas parce qu’elle porte des chaussures qu’on ne considère pas que ce soit un nu. Personnellement, j’aime plus les souliers qui déshabillent que ceux qui habillent. Or un jour, alors que j’étais en train de montrer à un acheteur des modèles, je parlais de couleur noire, brune ou chair, et une de mes collaboratrices n’arrêtais pas de soupirer. Quand les clients sont partis, je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ça ! Elle m’a répondu qu’elle trouvait que de parler de couleur chair pour un beige était offensant car elle avait la peau noire. Sur le coup, j’ai été interpellé et j’ai développé au fur et à mesure toutes les couleurs de peau. Huit couleurs nude sont présentées dans l’expo et nous en proposons même neuf désormais.

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