Les murs posent le décor
Longtemps délaissé, le papier peint prend sa revanche en inspirant les grands noms de la décoration et la jeune garde du design.
Par Tanja Stojanov
Jean-Marc Pharisien, Les Arènes de Nîmes après Baldus.
Jean-Marc Pharisien, Le Pont du Gard après Le Gray.
Jean-Marc Pharisien Revivre la mission héliographique
Tous les amoureux de photo connaissent cette mission, une vaste commande publique lancée quelques années à peine après l’invention du procédé. Nous sommes en 1851, cinq photographes s’élancent sur les routes de l’Hexagone. Leur mission ? Inventorier notre patrimoine architectural. « J’ai refait d’abord le chemin de Paris jusqu’à la Provence d’Edouard Baldus, en passant par le Rhône. Un photographe très intéressant car il faisait des assemblages, procédé fréquent aujourd’hui pour les images panoramiques », s’enthousiasme Jean-Marc Pharisien, qui a donc livré lui aussi sa vision du Cloître de Saint-Trophime, lieu qu’il a fréquenté lors des Rencontres d’Arles. Venu s’installer sur la Côte d’Azur du fait de la lumière, Jean-Marc a œuvré dans son laboratoire à Nice plus de 20 ans pour Helmut Newton. À la disparition du célèbre photographe de mode et de nu, il a tourné la page de l’argentique. Ayant refait le parcours de Baldus trois fois, il décide de sillonner celui des quatre autres, réalisant ainsi près de 600 photos. « Le Gray utilisait quant à lui un tour de passe-passe très courant désormais. Il avait présenté des photos ayant le même ciel, ce qui avait fait scandale à l’époque », s’amuse celui qui aime aujourd’hui à créer des ponts entre l’argentique et le numérique.
Maf, Etrangeté intime.
Maf, Scène de mariage.
Maf. Une aventure humaine autour du corps
Bien sûr il y a eu la photographie humaniste historique, celle des années 1930 à 1960 si prompte à représenter les scènes du quotidien, des images prises en dialogue avec le sujet. Mais peut-être le travail de Maf est-il plus orienté encore, elle qui a travaillé trente ans dans le social avant de devenir photographe professionnelle. « Tout a commencé avec Je suis sur le fil des émotions. Pour ce travail, j’ai demandé à quelques personnes de venir au studio, elles racontaient leur histoire pendant que je photographiais. Il m’a semblé naturel ensuite de développer le projet Je suis à nu, car les mots disent parfois plus que l’intimité du corps », se souvient celle qui aime à travailler en studio, avec une seule source de lumière pour marquer les contrastes, mais aussi sortir pour voler des instants fous avec son boîtier sans flash. Tantôt elle mène des projets avec des institutions médico-sociales autour de l’isolement familial, l’âge ou le handicap, tantôt elle photographie la danseuse Marie-Pierre Genovese dans la corporalité qui s’impose à tout être vivant. Maf dit combien nous sommes tous de passage.
Arié Botbol, La conversation masquée, 23 mai 2020.
Arié Botbol, Night Blues, La Havane 2019
Arié Botbol. Photo-coloriste proche de l’actualité
Il fait partie de la plateforme Hans Luca, réseau international de photographes indépendants. Rien d’étonnant du coup à ce que ses clichés aient été publiés dans Libé, Les Échos et autres grands titres nationaux. « Certains sont très doués pour sublimer le réel, personnellement ma seule façon de photographier est de saisir l’humain sur l’instant », témoigne ce photoreporter, très présent aussi sur le terrain de la photo documentaire de voyage et d’auteur tournée davantage vers l’esthétique. Un travail qu’il a notamment exposé il y a peu à la DZ Galerie, rue de France à Nice. Tantôt il photographie des Niçois pendant la crise de la COVID-19 avec une touche d’humour, tantôt il donne à voir un Cubain de nuit à La Havane comme dans un tableau d’Hopper. Dans son ouvrage Correspondances marocaines, ce globe-trotter raconte également en images le pays où il est né. Et toujours dans son travail, on retrouve ces histoires simples aux compositions rigoureuses, portées par une belle chromie.
Lionel Bouffier, Série R-evol-ution.
Lionel Bouffier, Séries Urbanité et Sauvagitude.
Lionel Bouffier. Logique et logistique de chaque scène
On a pu voir son travail à la Bogena galerie de Saint-Paul ou dernièrement à la galerie municipale Lou Babazouk à Nice. « Il y en a qui excellent dans la photo de rue ou sociale, je suis plus spécialisé dans les mises en scène graphiques qui racontent des histoires », précise Lionel Bouffier, qui a débuté par le noir et blanc argentique autour de l’univers de la glisse. C’est ainsi qu’est née ensuite sa série Urbanité, plus proche de l’architecture des villes que de l’urbex à proprement parler. « Il faut chaque fois trouver l’idée, l’endroit, les modèles et éventuellement refaire le shooting, c’est parfois deux mois de boulot. J’aime les images surréalistes à la lumière un peu exagérée et cette angoisse des villes à la nuit tombée », explique ce photo-plasticien, qui a imaginé la série Sauvagitude autour de la nature. Pour une image parfaite, Lionel assemble en général une dizaine de photos mais il arrive qu’il photographie en one shot. Très attentif au message et à l’esthétique, il développe dans sa dernière série R-evol-ution ses idées en studio dans un décor minimaliste. En scène : les gilets jaunes, la COVID, nos faits de société.
Dominique Agius, Série Corium.
Dominique Agius. À la lumière de l’histoire de l’art
En matière de retouche photo, il en faut pour tous les égouts », ironise Dominique Agius, passé un temps par les Beaux-Arts de Toulon et désormais à la tête du studio photo DA-Focus. Enseignant dans plusieurs établissements azuréens parmi lesquels l’Université Internationale de Monaco et Sciences Po Menton, ce professionnel se dit « artisan et fier de l’être ». Spécialiste de la photo de studio, il développe chaque année un projet personnel : « J’ai réalisé une série sur le nu en clair-obscur, au cordeau en termes de lumière, puis des vanités inspirées des maîtres baroques, avant de faire un virage à 180 degrés avec Corium, un travail documentaire sur mon enveloppe en prévision de ma gastrectomie. » Cet ensemble de cyanotypes, procédé photographique ancien tout en nuances de bleu, a fait l’objet d’une expo chez Uni-Vers-Photo en 2019 à Nice. Et d’ajouter : « Dans ma nouvelle série, sur le thème de l’identité, j’ai voulu un rendu ancien un peu texturé, sortir de l’image propre. »