Ce duo, à la vie comme à la ville, a reçu le prix « Equipement » au concours ArchiCOTE 2013 pour le Pôle culturel Auguste Escoffier à Villeneuve-Loubet. Rencontre.
À chaque projet, y a-t-il une répartition des rôles particulière ?
Céline Bouzat : Il parle et je conçois…
Christophe Erades : Disons plutôt que nous intervenons tous les deux sur le projet mais pas au même moment. Nous travaillons ensemble depuis presque vingt ans et nous avons des goûts architecturaux et une manière de penser très proches. Donc, quand l’un de nous s’égare il est vite recadré ! Cet œil critique, parce que nous sommes tous les deux dans le même discours, permet de resserrer le propos sur l’essentiel.
Si vous deviez retenir un architecte qui a influencé votre parcours ?
CB : Le premier architecte qui m’a impressionné est le Japonais Tadao Andō. C’est la première fois que je voyais des projets avec un travail d’une telle beauté sur les volumes et sur l’espace. Je n’avais jamais vu ça avant.
CE : Moi c’est le travail de l’Américain Louis Kahn. C’est une architecture manifeste qui a influencé des générations entières et déplacé les lignes de la discipline. C’est le cours préparatoire de l’architecture où on nous apprend à lire et à écrire.
Deux architectes pour lesquels le matériau brut, en l’occurrence le béton, est au cœur de chaque projet…
CB : Oui, nous aimons travailler le matériau – métal, pierre, bois, verre – sans trop le transformer… Sa particularité intrinsèque, qu'elle soit esthétique ou structurelle, induit la qualité du rendu et l’enveloppe finale : formes, sections ou encore couleurs. Tout est lié, car à chaque matériau correspond un type de mise en œuvre bien précis. Produire de l’architecture de qualité c’est savoir respecter cette cohérence.
CE : Malheureusement, 85 à 90 % des maisons en France ne sont pas construites par des architectes. D’où l’existence d’une architecture sans culture à la pauvreté scandaleuse comme le néoprovençal qui utilise des arcs en béton pour des baies de deux mètres de large. Avoir recours à un arc entre deux points d’appui aussi rapprochés sur une portée si faible n’est absolument pas nécessaire. C’est une hérésie structurelle et esthétique !
La dimension esthétique des projets comme, par exemple, le Pôle culturel Auguste Escoffier qui a reçu le prix ArchiCOTE 2013, résulte donc de cette utilisation cohérente des matériaux.
CB : Oui, mais pas seulement. C’est un tout. L’expression finale n’est qu’une résultante plus large d’un ensemble d’éléments : fonction, orientation, accès, lumière, espace… Mais une chose certaine, le geste formel ne dicte pas notre approche.
CE : Ce que nous privilégions avant tout c’est l’espace. Surtout, évidemment, quand nous intervenons sur des logements sociaux. La question que je me pose souvent est de savoir comment offrir aux enfants une plus-value en matière de qualité de vie. Au début de notre activité nous avons eu comme projet la transformation d’un bâtiment de bureau en logement social. Le budget était très serré et nous avons proposé au maître d’ouvrage de diminuer toutes les prestations intérieures – remplacer le carrelage par exemple par un sol souple – afin de dégager une somme d’argent pour créer des balcons qui n’étaient pas, faute de moyens financiers, prévus à la base. Pour nous, il était primordial de permettre à un enfant de jouer au Lego en extérieur et au soleil plutôt que coincé derrière un mur. Le sujet principal était là ! C’est une manière pour nous de rendre meilleures des vies qui ne sont pas toujours très heureuses.
Vous venez de gagner un concours organisé par un promoteur privé pour la construction de logements de luxe à Cannes. Comment va se traduire cette volonté d’offrir une plus-value en matière de qualité de vie dans un tel programme ?
CB : Marbre, plantes vertes, ascenseur hi-tech ou vidéosurveillance, là encore, ce propos-là pour nous est secondaire. La vraie valeur ajoutée sera de tirer parti d’une situation exceptionnelle car l’immeuble est implanté face à un jardin magnifique et bénéficie d’une vue mer à 180°. Nous allons créer de grands espaces extérieurs pour connecter l’habitant en permanence avec cet environnement privilégié.
CE : Mais pour éviter un effet « cave », créé par les ombres portées sur l’étage inférieur, ces grandes terrasses seront construites à 90 % en verre. Un vrai défi technique !
Vos autres projets ?
CB : Entre autres, nous travaillons sur des logements sociaux à Nice et à Mouans-Sartoux. Ainsi qu’une école primaire, maternelle et crèche à Lantosque.
Par Alexandre Benoist