Agir contre le harcèlement
Autodidacte en informatique, Charles Cohen a développé sa première appli à 21 ans. Le trentenaire accompagne aujourd’hui les plus grandes marques de luxe et médias dans la lutte contre la haine en ligne.

Les études c’est formidable, mais vraiment pas pour tout le monde. En témoigne l’ascension de Charles Cohen qui, à l’âge de 10 ans, faisait déjà de la programmation. « Quand j’ai eu mon bac à 18 ans, les écoles en informatique proposaient de commencer par les bases. C’était renoncer à l’avance que j’avais prise techniquement », se souvient l’informaticien. Mais pourquoi s’être spécialisé en particulier dans la lutte contre le cyberharcèlement, est-ce parce qu’il en a été victime ? « À titre personnel non mais ma génération a grandi avec Internet. J’en entendais parler et j’ai vraiment eu un déclic en lisant un article sur une jeune fille qui s’était pendue dans sa chambre à cause de ça. C’était comme une meute organisée qui s’acharnait contre une personne vulnérable. À 21 ans, j’ai voulu essayer de faire quelque chose, de lutter contre cette injustice. » Calme et confiant de nature, le jeune entrepreneur crée alors en 2018 une application mobile, mise en ligne gratuitement. Une technologie capable de détecter et supprimer les contenus haineux sur Instagram, Facebook, Tic Toc, Twitter, Twitch et autres réseaux. Et ce n’était qu’un début !
Technologie pour un web plus sûr
Entre 2018 et 2020, 60 000 utilisateurs adoptent l’appli, qui bénéficie du soutien de youtubeurs populaires. « J’étais encore seul à Nice, puis grâce à une première levée de fonds de 2,5 millions tout a changé d’échelle. On a recruté 30 personnes pour développer cette solution pour les entreprises et ce dans plus de 45 langues. J’ai retiré l’application initiale et concentré mon énergie sur cette solution B to B », ajoute Charles Cohen. Que propose aujourd’hui Bodyguard ? Un accompagnement pour les pros qui leur permet de protéger leur marque et leurs employés. La solution de modération en ligne a séduit des sites de rencontre, de jeux vidéo et acteurs dans dans les secteurs du luxe, des médias ou du sport.
« Au-delà de la lutte contre les contenus insultants, menaçants et répétés par une personne ou un groupe, nous agissons aussi contre la cyberviolence en travaillant sur la désirabilité de marque, sachant que les grandes entreprises traversent plusieurs crises par an », ajoute le développeur.
Un baromètre de l’état de la société
Fort de ce succès, Bodyguard a bénéficié d’une deuxième levée de fonds, cette fois de 13 millions, pour développer sa force commerciale.
« Nous avons depuis 40 salariés répartis entre Nice et Paris. Avec 80 grands comptes aujourd’hui, Bodyguard analyse en moyenne 2 à 3 milliards de commentaires par mois, et protège entre 2 et 2,5 milliards de personnes », ajoute le trentenaire. Après l’analyse des images en plus des commentaires, Charles Cohen a pour ambition de proposer bientôt l’analyse de contenus vidéo et audio. Et de conclure : « Depuis les annonces de Mark Zuckerberg sur la dérégulation de Meta, nous avons enregistré une augmentation de 16 % des contenus haineux sur Facebook et Instagram. Quand le monde ne va pas bien, qu’il manque de perspectives d’avenir, qu’il y a des tensions géopolitiques, les gens se défoulent en ligne. Si la nature humaine est ce qu’elle est, Bodyguard cherche en tout cas à contribuer à ce que des personnes sensées et non-violentes ne quittent pas les réseaux, car il y aurait là un vrai danger pour la vie démocratique ».
