mars 2015

Pierre Lescure

  • En haut des marches
 
lescure
 

Le nouveau président du Festival de Cannes fréquente La Croisette depuis 40 ans. Le journaliste et ancien big boss de Canal+ nous confie ses souvenirs professionnels et personnels à travers le prisme du cinéma.

 

À l'instar de Gilles Jacob, vous débarquez à Cannes en 1977...
Oui, pour Europe 1, j'animais tous les soirs une émission de 2 heures en direct d'un studio installé sur La Croisette, aux côtés de Jean-Claude Brialy et d'Eddy Mitchell. Que de bons souvenirs ! Toute l'équipe logeait dans l'arrière-pays cannois, dans une grande villa ambiance colonie de vacances... de luxe. L'année des Sœurs Brontë, nous avons même dû y « cacher » Isabelle Adjani et André Téchiné, qui, à cette époque, étaient aussi timides et paranos l'un que l'autre !

 

Vous croisez aussi forcément Gilles Jacob ?
Bien sûr, et le nouveau délégué général du Festival affiche déjà cette grande classe que vous lui connaissez... Je suis venu encore trois saisons pour Europe 1, puis comme délégué général et président de Canal+. Au début, Gilles trouvait que nous faisions trop de bruit sur la plage de l'hôtel Martinez – où est installé le studio de Canal+, NDLR – mais très vite, nous avons trouvé le bon équilibre permettant de préserver le territoire sacré du palais, la montée des marches, et le côté festif de nos rendez-vous. Depuis, mon intimité avec le Festival ne s'est jamais démentie, tout comme mes rapports avec Gilles. Depuis quatre décennies, nous nous rencontrons deux à trois fois par an, pour parler, devinez quoi, de cinéma !

 

En juin 2013, il vous fait une drôle de proposition...
En effet, il me dit : « Pierre, voilà, le prochain Festival sera mon dernier et si vous êtes d'accord, je proposerai votre candidature à ma succession. » C'est ainsi que les choses se sont enclenchées. J'ai été élu président le 14 janvier 2014, à l'unanimité et à bulletins secrets. Je n'en suis pas peu fier.

 

On dit que le président du Festival doit définir lui-même sa place et ses actions au fil de ses mandats. Qu'en pensez-vous ?
C'est tout à fait vrai. Vous pensez bien que je n'imprimerai rien de flagrant cette année. Monvrai tour de piste s'est fait en septembre der­nier, plongé au cœur de la gestation de la manifes­tation, et se révélera concrètement du 13 au 24 mai... Dans la foulée de cette 68e édition, je pourrai faire à Thierry Frémaux et aux principaux exécutifs du Festival un certain nombre de suggestions concrètes. L'aventure commence !

 

Avant de vous taire « à jamais », votre Palme d'or de l'an passé, c'était quoi ?
À la lecture du palmarès, je me suis dit : « Quand même, Dolan... » Oui, mais non. Comme le dit si bien Thierry Frémaux, Xavier Dolan sera toujours là dans 20 ans et, à son jeune âge, il a quand même déjà décroché le 2e prix le plus important du festival le plus important au monde ! Mon coup de passion était certes Mommy, mais tous ceux qui ont visionné le film parlent surtout de Xavier Dolan, alors que ceux qui ont vu Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan ne parlent que du film. C'est bien la force de ce palmarès.

 

Pierre Lescure sur pellicule

 

Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes (1993)
[Éclat de rire] Moi, j'ai eu cette chance ! Très tôt, j'ai donc été sensibilisé à la question sociale mais surtout plongé dans un environnement culturel très riche. On allait au cinéma, on lisait un tas de bouquins... Ma grand-mère écoutait Brel, Brassens, Azanavour, mon grand-père du lyrique, ma mère du classique, mon oncle du jazz...

Love me tender (1956)
Elvis Presley est mon idole. En plus de posséder une voix exceptionnelle et d'avoir eu une influence considérable sur la culture musicale, il a été aussi un homme de progrès, contribuant à la reconnaissance de nombreux artistes noirs américains, à une époque où la ségrégation allait galopante.

 

Les hommes du président (1976)
Une des plus belles odes au journalisme qui soit. L'une de mes passions aussi. Mon père était rédac' chef de L'Humanité, qui tirait alors à 600 000 exemplaires et faisait bosser 300 journalistes. Enfant, je traînais pas mal dans les bureaux et les rotatives en action étaient un vrai spectacle.

 

Les hommes préfèrent les blondes (1953)

Sur mon compte Twitter, c'est un vrai défilé d'actrices, je le confesse. Avec Audrey Hepburn en tête de proue, que je porte au pinacle de mes comédiennes préférées, mais aussi Marilyn Monroe, Catherine Deneuve, etc. Après ça, ma femme est brune et notre fille qui vient du Vietnam a de très beaux cheveux couleur de jais.

 

La cité de la peur (1994

J'y interprète une pauvre petite panouille ! Le film fête ses 20 ans et symbolise tout à la fois le Festival de Cannes, l'humour des Nuls qui a marqué un tas de générations et représente ce que Canal+ a donné de meilleur au cours de son histoire. Chaque fois que je remonte La Croisette, je ne peux m'empêcher de penser à cette course-poursuite effrénée entre le tueur et Alain Chabat, qui, obligé de chasser les mimes qui freinent sa course, leur hurlent : « Barrez-vous cons de mimes » !

 

Par Mireille Sartore
© Etienne Laurent / Epa / Maxppp