mai 2014

Maurice Giauffret

  • “ ÊTRE ARCHITECTE, C'EST ÊTRE HUMANISTE ”

 

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Club Méditerranée à Opio, Palais de la Méditerranée à Nice, Monte-Carlo Palace à Monaco, Résidence Open à Golfe-Juan, les réalisations de l’agence Giauffret & Février sont inscrites dans le patrimoine architectural de la Côte d’Azur. Rencontre avec Maurice Giauffret.

 

Pourquoi architecte ?
Par hasard ! Je voulais être consul et la vie en a décidé autrement. Mais je crois surtout, comme mon grand-père était le professeur de violon de Matisse, que j’ai été marqué dès mon enfance par la musique. En particulier celle de Mozart, qui était d’une construction extraordinaire, abstraite et parfaite. Puis il y a aussi eu cette grande émotion ressentie à l’âge de 4 ans devant le Panthéon, à Rome. J’étais médusé ! C’est, et ce sera toujours pour moi la plus belle réalisation du monde.

Et vous avez d’autres références ?
En matière d’architecte, il y a bien sûr Charles Moore, mon maître à penser, avec qui j’ai travaillé aux États-Unis. Le Corbusier bien sûr ou Richard Neutra. Mais surtout, j’ai une grande tendresse pour les architectes du Sud, comme Álvaro Siza ou Luis Barragán. Une architecture faite à la main, d’une grande simplicité, où tout n’est que lumière et couleur. Il y en a évidemment une multitude d’autres et c’est d’ailleurs ce qui m’a toujours empêché de construire ma propre maison. J’ai trop de références et je serais incapable de faire quelque chose pour moi. À moins d’y mettre dix ans !

 Quelle est votre vision de l’architecture ?
On ne peut pas être architecte si on n’est pas humaniste. Humaniste renvoie au bien-être de l’utilisateur, mais aussi « aux humanités », comme on nous l’apprenait à l’école. Un enseignement destiné à forger votre esprit et pas votre mémoire. On vous formait à être quelqu’un qui aime la vie, les arts et la littérature. Cela donnait le caractère universel de la culture. Si vous n’avez pas en vous des références, une certaine culture à laquelle vous raccrocher, une ouverture d’esprit, une vision large du monde et l’envie de servir à quelque chose, ce n’est la peine de faire ce métier. Il faut aussi ajouter la dimension éducative et le caractère pédagogique de l’architecture. Si c’est beau et si le client est capable de ressentir cette beauté, vous éveillez ses sens à l’harmonie.

Inspiration 9, le projet primé au concours ArchiCOTE 2013, est sous-titré « Echec au Luna Park Toscan ». Pourquoi ?
Le Luna Park Toscan est une de mes marottes car je considère que certains architectes de ma génération, et mêmes plus jeunes, devraient arrêter de faire du faux Versailles, du faux Louis XIV. Avec des appartements de 60 m2, on est très loin de la galerie des Glaces ! Pourtant, on continue à faire de la balustrade, des colonnes et des faux frontons. Et ça plaît ! J’ai peur qu’il soit devenu impossible de promouvoir une architecture contemporaine, intelligente, qui tient compte des éléments fondamentaux, comme le climat, les matériaux que l’on trouve sur place. Aujourd’hui, nous vivons dans une espèce de rêve de perruques poudrées avec épée sur le côté. Quand je vois les œuvres de certains confrères, on les imagine bien habillés en marquis !

Vous défendez donc une architecture résolument contemporaine ?
Évidement ! Et surtout une architecture adaptée. Dans ce que j’ai construit, il y a beaucoup de choses qui n’ont pas vieilli. Le Jardin de Cessole, par exemple, réalisé dans les années 70 à Nice, avec son bâtiment équipé de bow-windows, en verre n’a pas pris une ride. La pérennité dans l’architecture est importante car cela signifie que nous créons des projets capables de s’intégrer dans un tissu urbain ou dans les campagnes. Cela ne dépend pas de la couleur du bâtiment, de la forme des volets ou de la végétation, mais d’une volumétrie bien pensée. Tout le reste peut être changé, sauf ça. Ce sont des éléments de base, mais j’ai l’impression que ce n’est pas encore totalement assimilé par tout le monde.

Vous parlez d’une architecture pérenne mais évolutive ?
Pour moi, il n’y a rien qui n’est jamais fini. Surtout en architecture. Dans mon métier, il y a deux grandes écoles. Celle qui considère que le bâtiment peut servir à tout et peut être transformé. Et celle qui considère que ce qui est construit est définitif. Moi, je suis de la première école. Tout bâtiment a pour vocation d’être transformé, d’avoir une autre vie. Je suis profondément convaincu de cela. J’ai construit des immeubles de bureaux qui ont été transformés en habitation et cela fonctionne très bien.